Nous établissons les bases de notre engagement auprès des sociétés sur le thème de la biodiversité et présentons des résultats préliminaires obtenus dans le cadre de cet enjeu ESG.
Puisque près de 200 pays se sont engagés à préserver et à restaurer la biodiversité de la planète, le moment est venu de changer radicalement de cap. Les gouvernements, les sociétés publiques et privées et les institutions – y compris les gestionnaires d’actifs – sont appelés à passer de la parole aux gestes.
Le Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework (GBF), adopté en décembre 2022 lors de la COP15 à Montréal, comprend quatre objectifs et 23 « cibles mondiales axées sur l’action ». À NEI, nous nous sommes employés à déterminer de quelle manière nous pourrions contribuer à l’atteinte de ces objectifs et de ces cibles, en mettant l’accent sur les politiques d’affaires et le dialogue avec les entreprises. La biodiversité a été l’un de nos quatre thèmes clés l’an dernier. Il en sera de même en 2023 et probablement pour de nombreuses années encore. NEI a assisté à la COP15 dans le cadre d’une délégation formée par les Principes pour l’investissement responsable, et il va sans dire qu’un large éventail d’intervenants, y compris de nombreux membres de la communauté financière, ont constaté la nécessité de collaborer afin de favoriser la mise en œuvre d’initiatives pour le bien de la nature.
« La biodiversité correspond au capital naturel »
Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, la biodiversité est la multitude d’êtres vivants qui composent la vie sur Terre. Elle englobe les quelque 8 millions d’espèces présentes sur la planète : des plantes et des animaux aux champignons et aux bactéries. La définition de la nature est plus large, car elle englobe des éléments qui n’appartiennent pas au monde des vivants sur la planète, dont les océans et les montagnes, de même que des forces et des processus, comme les conditions météorologiques et les mouvements des plaques tectoniques.
La citation ci-dessus, qui a été traduite librement, est tirée d’un article publié par le World Economic Forum lors de la réunion annuelle de ce dernier tenue en janvier 2023. Le concept de capital naturel aide les intervenants à reconnaître et à comprendre l’utilité de la biodiversité et de la nature; cette utilité a de la valeur, mais elle s’accompagne d’un coût. Selon la Fondation David Suzuki, la nature est le fondement de notre prospérité sociale et économique et peut être gérée comme toute autre forme de capital. La gestion du capital est le travail quotidien des investisseurs institutionnels. En fait, c’est leur raison d’être. Nous pouvons certainement veiller à ce que le capital naturel soit géré avec le même soin et la même diligence que les autres formes de capital.
Un point de référence pour la biodiversité
L’objectif de notre approche d’entreprise à ce jour a été d’établir une base de référence pour les dialogues que nous entretenons avec les sociétés en portefeuille qui dépendent fortement des milieux naturels ou qui ont une incidence importante sur ceux-ci. Entre autres choses, nous demandons à certaines sociétés à l’échelle de divers secteurs d’évaluer leur incidence, leurs dépendances ainsi que les défis auxquels elles sont confrontées. Leurs réponses nous aideront à déterminer quelles sociétés sont en tête et lesquelles ont encore du chemin à faire. Plus importants encore, les renseignements que nous recevons nous permettront de déterminer ce que nous croyons être un rythme raisonnable vers l’atteinte des cibles du GBF.
Nous encourageons également la publication de renseignements plus détaillés sur les milieux naturels, ce qui nous permettra de mieux évaluer la performance des sociétés sur une base continue. Même si nous reconnaissons que les normes en matière d’information financière en sont à leurs débuts (bien qu’elles évoluent rapidement), des cadres en cours d’élaboration, comme les Taskforce on Nature-related Financial Disclosures, font partie des aspects abordés lors de nos discussions.
Le processus de détermination et de gestion des divers risques de placement liés à la perte de biodiversité en est encore à un stade embryonnaire. Nos travaux donnent à penser jusqu’à présent que la déforestation causée par le secteur des produits de base pourrait être l’une des menaces les plus importantes à court terme. Que ce soit en Amazonie ou ici même au Canada, la déforestation non contrôlée et les pratiques forestières mal gérées pourraient modifier l’environnement de façon si radicale que de nombreux segments en souffriraient énormément, voire irrémédiablement. Parmi ceux-ci, on compte le bois d’œuvre, les pâtes et papiers, les aliments, les textiles, la production d’électricité et les produits pharmaceutiques, lesquels regroupent certaines des entreprises dont la dépendance aux milieux naturels est la plus apparente.
En novembre 2021, NEI a signé la lettre d’engagement du secteur financier sur l’élimination de la déforestation causée par les produits de base. Le groupe de plus de 30 institutions gérant près de 9 000 milliards de dollars américains, qui forme désormais l’initiative Finance Sector Deforestation Action (FSDA), mise sur l’engagement et l’actionnariat actif pour encourager, soutenir et opérer la transition des chaînes d’approvisionnement de produits agricoles exposées à un risque élevé de déforestation vers une production durable. Les activités de collaboration entre les membres de la FSDA et les sociétés clés de notre portefeuille ont débuté l’an dernier (de plus amples renseignements à ce sujet sont fournis ci-après).
Le défi de la traçabilité
Pour qu’une société ait la certitude qu’elle gère les risques environnementaux auxquels elle s’expose comme elle l’entend (ou tout facteur ESG important, comme les droits de la personne et les inégalités), elle doit être en mesure de cerner tous les aspects de sa chaîne d’approvisionnement. C’est ce qu’on appelle la traçabilité. Les grandes multinationales qui existent depuis longtemps ont des chaînes d’approvisionnement complexes et interdépendantes, et le fait de savoir ce qui monte et descend dans la chaîne n’est pas une mince affaire. Plus que jamais auparavant, les investisseurs exigent toutefois des entreprises qu’elles assurent une traçabilité, comme en témoigne la fréquence croissante à laquelle ce sujet est abordé dans le cadre de nos engagements collaboratifs. La traçabilité a été l’un des principaux sujets évoqués dans deux de nos récentes discussions sur la biodiversité, dont nous vous faisons part ci-après.
Exemple d’engagement : matériaux de construction
Lors d’un récent entretien avec un grand magasin de rénovation domiciliaire, il a été question de la nécessité d’assurer une traçabilité dans la chaîne d’approvisionnement en bois d’œuvre et des difficultés à établir une vision claire. NEI a mené une conférence téléphonique avec le détaillant en décembre dans le cadre de notre adhésion à l’initiative Finance Sector Deforestation Action. Nous avons ainsi appris que même les plus grands détaillants de produits de rénovation domiciliaire n’ont pas une influence aussi forte qu’on pourrait le croire sur leurs fournisseurs. La chaîne est fragmentée, et recueillir de l’information sur celle-ci auprès des fournisseurs de l’entreprise ne semble pas facile. Nous avons discuté de la nécessité d’innover en matière de traçabilité et des options dont disposent les entreprises pour cerner les risques visant les fournisseurs qui exercent leurs activités dans des forêts vierges. Le détaillant était ouvert à collaborer et nous a fait part de ses acquis quant à la mise au point de méthodes pour évaluer et comprendre les risques de déforestation.
Malgré les difficultés qu’il a rencontrées, ce détaillant fait des progrès, alors que des propositions d’actionnaires ont été soumises au vote chez l’un de ses pairs. Lors de la dernière assemblée annuelle de Home Depot en mai, les deux tiers des actionnaires, dont NEI, ont voté en faveur d’une proposition demandant à la société de rendre compte de ses efforts pour réduire la déforestation, soulignant que les politiques de la société ne tiennent pas vraiment compte des répercussions sur les forêts vierges (comme la forêt boréale canadienne, une importante source d’approvisionnement de Home Depot).
Alors que nous terminions notre discussion, la nécessité de partager les apprentissages sur la traçabilité nous a paru évidente. La société et les investisseurs participants ont exprimé leur volonté de collaborer davantage pour améliorer la transparence de la chaîne d’approvisionnement en matière de déforestation.
Exemple d’engagement : fabrication de produits alimentaires
En décembre, nous avons tenu une conférence téléphonique avec un fabricant d’aliments bien connu au cours de laquelle nous avons rencontré le chef de la durabilité. La société a fait d’importants progrès et a l’habitude d’articuler ses activités dans différents domaines liés à la biodiversité, comme la déforestation, la gestion de l’eau et l’agriculture régénératrice. Lorsqu’elle examine les produits de base qu’elle utilise pour la fabrication de ses produits, l’entreprise se porte une attention particulière aux secteurs qui présentent un risque élevé pour l’environnement et les droits de la personne. Par exemple, même si des fournisseurs utilisent peu d’huile de palme par rapport à d’autres produits de base (et à leurs concurrents), cet aspect constitue une priorité pour la traçabilité et la gestion du risque. La société exige que ses fournisseurs d’huile de palme aient obtenu une attestation auprès de tierces parties et travaille avec des consultants externes à la mise au point d’un programme similaire en ce qui a trait aux autres produits de base dont elle fait usage.
Pour nous, les mesures auxquelles a recours une société sont un indicateur clé de la position de chef de file de cette dernière dans tous les domaines liés aux facteurs ESG. La société quantifie-t-elle ses efforts ainsi que leur impact? Qui plus est, la société publie-t-elle ses résultats? Dans ce cas, le fabricant de produits alimentaires a effectivement fait preuve de leadership. Il collabore avec des consultants pour mesurer l’impact des pistes d’améliorations qu’il conçoit avec des fournisseurs de ressources alimentaires ayant recours à d’importantes quantités d’eau et produisant un volume élevé de méthane à l’heure actuelle. L’entreprise a déclaré que le plan consiste à intensifier ces efforts auprès d’un plus grand nombre d’agriculteurs.
À la fin de l’appel, les participants ont reconnu que, dans le cadre des progrès réalisés dans l’évaluation des impacts et des résultats, il était essentiel de comprendre les besoins en matière de communication de l’information pour veiller à ce que les résultats obtenus soient convertis le plus efficacement possible en renseignements utiles pour les parties prenantes.
Étapes suivantes
Les dialogues que nous avons menés en 2022 avec des sociétés nous ont permis de mieux comprendre l’éventail des mesures que prennent ces dernières ainsi que les défis propres et communs à certains secteurs. Les conclusions que nous en tirons nous permettront d’établir nos prévisions en 2023. En plus d’élargir nos engagements individuels et d’y donner suite, nous nous attendons à ce que nos efforts soient axés sur la collaboration cette année. Par exemple, Nature Action 100, une coalition d’investisseurs ayant pris forme lors de la COP15, devrait être lancée sous peu. Nous participons aussi régulièrement à des initiatives collaboratives similaires en lien avec les changements climatiques, comme Climate Action 100+ et Engagement climatique Canada, dans le cadre desquelles nous menons souvent des engagements précis. Nous resterons à l’affût des autres activités de Nature Action 100 et d’autres engagements collaboratifs pour relever les attentes communes des investisseurs.
Sur le plan des politiques, nous avons l’intention de chercher des occasions de participer à des discussions sur l’établissement de politiques et de normes en matière de biodiversité, en plus de poursuivre nos efforts sur des thèmes centraux connexes comme le climat, les solutions axées sur la nature pilotées par les peuples autochtones et la circularité.