Les entreprises ont une responsabilité envers les collectivités dans lesquelles elles exercent leurs activités. Examinons de plus près les facteurs sociaux en jeu dans l’investissement ESG.
L’investissement responsable axé sur les enjeux sociaux a une longue histoire qui remonte au début du xviiie siècle, époque où des mouvements religieux ont lancé certaines des premières stratégies faisant primer la responsabilité sociale des entreprises sur le gain financier. Les investisseurs étaient sommés d’éviter les secteurs censés nuire à la société au sens large, comme le tabac, l’alcool, le jeu et les armes, de même que les pollueurs, les auteurs de violations des droits de la personne et les prêteurs usuraires.
Des études montrent (source disponible en anglais seulement) qu’en plus de contribuer au bien-être de la société, l’engagement à adopter des politiques et procédures socialement responsables peut se répercuter favorablement sur le bénéfice net d’une entreprise. Le processus d’évaluation du bien-fondé d’investir dans une société accorde de plus en plus de place aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG »); ainsi, les investisseurs, soucieux à la fois d’améliorer la qualité des sociétés de leur portefeuille et de choisir des placements qui s’arriment à leurs valeurs, commencent à examiner de plus près les avantages financiers des facteurs sociaux.
Au fil du temps, le volet « S » dans « ESG » en est venu à englober un vaste éventail de facteurs allant des relations de travail et de la diversité en milieu de travail aux droits de la personne et à l’engagement communautaire. Dans bien des cas, ces enjeux sont étroitement liés aux considérations environnementales et de gouvernance : l’utilisation de ressources durables dans la production ainsi que l’augmentation du nombre de femmes siégeant aux conseils d’administration ne sont que deux exemples.
Les principales sources de risques et d’occasions d’ordre social pour les investisseurs se divisent généralement en deux grandes catégories :
1. Relations et pratiques de travail
Les sociétés du monde entier reconnaissent de plus en plus le lien entre la qualité de leurs pratiques en matière d’emploi et de travail et le succès de leurs activités. Les sociétés qui se livrent à des pratiques de travail déloyales – par exemple en négligeant d’offrir des congés de maladie ou une protection adéquate à leurs employés –, qui exercent leurs activités dans des pays réputés pour violer les droits de la personne, ou qui rémunèrent excessivement leurs dirigeants par rapport à leur main-d’œuvre s’exposent à des risques de réputation qui peuvent nuire au cours de leurs actions, affaiblir leurs ventes ou provoquer des conflits de travail.
À l’inverse, les sociétés connues pour adopter des pratiques d’embauche progressives, verser des salaires équitables et respecter les droits fondamentaux des employés (et des différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement) peuvent bénéficier d’un « effet de halo » qui rehausse leur réputation auprès de tous les groupes d’intéressés. Par exemple, les stratégies en matière de diversité et d’inclusion ayant pour objectif de nommer des membres de groupes sous-représentés aux postes de direction et de veiller à ce que tous les employés soient valorisés, respectés et traités équitablement peuvent créer plusieurs avantages concurrentiels :
Accès aux meilleurs talents. Les employeurs qui favorisent la diversité et l’inclusion sont à même d’attirer et de fidéliser les meilleurs travailleurs.
Accès à de nouveaux marchés. Un éventail plus large de points de vue et d’idées créatives favorise une plus grande sensibilisation culturelle et permet de proposer des produits qui attirent une plus grande variété de consommateurs.
Fidélisation des clients. Les consommateurs peuvent décider de faire affaire avec les entreprises qui ont prouvé leur volonté d’adopter des pratiques d’emploi progressives.
Réduction du phénomène de la pensée de groupe. Une diversité de points de vue peut contribuer à renforcer la prise de décision (source disponible en anglais seulement), à améliorer la gestion des risques et à accroître l’innovation.
Augmentation de la productivité. Un éventail plus large d’expériences et de points de vue engendre une gamme plus vaste de compétences et une main-d’œuvre plus productive.
2. Cybersécurité et vie privée
Dans un monde de plus en plus virtuel, beaucoup de gens craignent à juste titre pour leur vie privée et se demandent comment les entreprises et les gouvernements utilisent leurs renseignements personnels. Les entreprises recueillent de plus en plus de renseignements personnels à chaque clic de souris, ce qui les investit d’une responsabilité croissante : celle de gérer et de protéger les données qu’elles obtiennent de leurs clients, de leurs employés et du grand public conformément aux règles d’éthique.
Du point de vue des risques, le droit à la vie privée et la cybersécurité sont devenus – à juste titre – des enjeux brûlants pour les autorités de réglementation. Par exemple, les conséquences potentiellement négatives de l’utilisation abusive de données ont été mises en évidence en 2018 lorsqu’on a révélé que Meta (anciennement Facebook) avait permis à la société de conseil spécialisée en politique Cambridge Analytica d’aspirer les renseignements personnels d’environ 87 millions d’utilisateurs dans le but d’influencer les électeurs. Depuis, le réseau social a fait des efforts pour renforcer ses protocoles de protection de la vie privée, mais sa réputation continue d’en souffrir, et l’incident a soulevé la question d’une réglementation accrue des plateformes de médias sociaux.
Dans ce contexte, les entreprises qui adoptent des mécanismes rigoureux de chiffrement de données et de sécurité ainsi que des politiques transparentes sur la protection des données des utilisateurs jouiront d’une meilleure réputation; à l’inverse, les fuites de données résultant d’une surveillance déficiente peuvent nuire à la confiance du public et au cours de l’action d’une société.
3. Sécurité des consommateurs et marketing éthique
Pour les entreprises, certains des enjeux sociaux les plus importants ont trait aux produits qu’elles fabriquent et à leur impact sur le grand public. Si un code de conduite rigoureux et une solide réputation en matière de qualité et de sécurité peuvent améliorer les résultats d’une entreprise, une conception et un marketing mal gérés peuvent, à l’inverse, y nuire, en particulier si les parties intéressées en souffrent.
Les clients, les employés et les investisseurs sont plus exigeants, et une récente étude indique que les attentes sont plus élevées (source disponible en anglais) à l’égard d’entreprises devant être des leaders en matière de pratiques ESG. Un nombre croissant de consommateurs est prêt à récompenser les entreprises qui jouent un rôle moteur dans le changement social et environnemental, au lieu de simplement s’adapter au resserrement de la réglementation.
En fait, certains des plus grands risques liés à la mauvaise gouvernance des produits ont trait à la perte de confiance du public, aux amendes et aux coûts des règlements supplémentaires. Par exemple, les organismes de réglementation des secteurs financier, automobile et pharmaceutique intensifient leurs efforts pour lutter contre les arguments de vente trompeurs, l’insuffisance d’information ou les pratiques prédatrices, et veiller à ce que les entreprises respectent les règles.
Par ailleurs, la recherche universitaire appuie l’hypothèse voulant que les rappels de produits aient une incidence extrêmement négative sur les cours des actions des sociétés. En effet, en plus d’engager des coûts pour récupérer et réparer les biens défectueux, les entreprises touchées doivent composer avec des risques de poursuites judiciaires et d’atteinte à la réputation. Les écoles de commerce présentent d’innombrables études de cas d’entreprises dont la réputation a été ternie par des défaillances de produits ou des problèmes de sécurité très médiatisés.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs?
Si les questions sociales sont de plus en plus mises en avant par les investisseurs dans le processus de placement, il est parfois difficile d’évaluer l’avantage, sur le plan financier, d’être réputé comme un employeur responsable ou une bonne entreprise citoyenne.
Néanmoins, plus les facteurs sociaux sont pris en compte dans la structure de présentation de l’information ESG, plus les chercheurs et les gestionnaires de placement professionnels sont à même de mieux comprendre les liens entre les entreprises et les secteurs qui tiennent compte des conséquences sociales de leurs gestes, et la qualité de leurs résultats financiers.
Les outils de filtrage permettent de repérer les sociétés qui obtiennent de bons résultats du point de vue social par rapport à leurs pairs et à d’autres secteurs, ainsi qu’en regard des normes réglementaires. Quant à celles qui traînent la patte, les grands investisseurs peuvent, au lieu de les éviter, choisir de nouer avec elles un dialogue constructif pour les aider à améliorer leurs pratiques sociales. C’est là que les gestionnaires de fonds actifs peuvent jouer un rôle clé pour les investisseurs de détail, en encourageant des changements dont profitent toutes les parties intéressées.