La seizième conférence annuelle des Principes pour l’investissement responsable s’est tenue à Toronto il y a quelques semaines. Cette conférence a clairement montré que les investisseurs de partout continuent de chercher des occasions d’améliorer la valeur durable à long terme des sociétés. L’événement a rassemblé plus de 1 500 délégués. NEI est signataire des Principes pour l’investissement responsable depuis 2006 et a participé à la conférence ainsi qu’à une série d’événements connexes. Les sous-conseillers de NEI étaient également présents, avec des représentants d’Alliance Bernstein, de Wellington Management, d’Impax Asset Management, d’Amundi Asset Management, d’Addenda Capital, de Desjardins Gestion internationale d’actifs et de Federated Hermes.
Points saillants
Vous êtes la première génération d’investisseurs qui comprennent les risques des changements climatiques et la dernière qui sera en mesure de faire quoi que ce soit à ce sujet.
- Mark Carney, président de Brookfield Asset Management et chef des placements de transition; envoyé spécial des Nations Unies pour le climat, l’action et la finance
Voici quelques-uns des principaux points à retenir et des détails de la conférence, ainsi que des événements connexes :
- Les lignes directrices tant attendues du Canada en matière d’investissement durable (connues sous le nom de « taxonomie ») ont fait un pas en avant, le ministre des Finances fédéral ayant annoncé un plan et une échéance. Cependant, il ne s’agit que d’un petit pas.
- Compte tenu du contexte canadien, la priorité a été donnée aux droits des Autochtones dans l’espoir que les investisseurs d’autres régions prennent des notes.
- Les investisseurs semblaient se concentrer davantage sur les occasions liées à la transition énergétique que sur les risques, car ils cherchent à tirer parti du potentiel de rendement lié au passage à une économie à faibles émissions de carbone, à l’échelle mondiale. Nous y voyons des signes de solides progrès.
- Les conférenciers ont encouragé les investisseurs à intensifier leurs programmes d’engagement à l’égard des politiques pour exercer une influence à un plus haut niveau.
- La Banque mondiale et un petit groupe d’investisseurs avertis sont à l’avant-garde des titres à revenu fixe responsables, car ils expérimentent des obligations basées sur les résultats (« outcome bonds »).
- La planification de la transition (par opposition à l’établissement de cibles) a été le sujet prédominant de la majorité des tables rondes sur le climat.
- Il est davantage reconnu que la protection de la nature est un impératif mondial pour atteindre une économie à faibles émissions en carbone. Comme l’a indiqué le conférencier Mark Carney aux participants, « Il n’y a pas de carboneutralité sans la nature. »
- Les manchettes et les discours anti-ESG semblent être relativement cantonnés aux États-Unis; les investisseurs des autres territoires restant impassibles.
- Les stratégies de durabilité doivent pouvoir être auditées pour être utiles au processus décisionnel — il faut conserver des dossiers complets.
- Les émetteurs qui ne divulguent pas de renseignements et données jugés pertinents par les investisseurs feront l’objet d’évaluations de données externes.
- Un conférencier a mis en garde contre le détournement des ressources dédiées à la mise en œuvre des facteurs ESG en faveur de la publication d’information, ce qui devient un fardeau croissant, car les exigences en matière de publication d’information augmentent.
La taxonomie verte du « Fait au Canada »… est loin d’être faite*
Deux annonces du ministère des Finances axées sur le climat ont montré que, même si le gouvernement fédéral agit moins vite que les investisseurs l’aimeraient, au moins, les décideurs connaissent la direction à prendre.
La ministre des Finances Chrystia Freeland a expliqué que le gouvernement possède maintenant un plan officiel pour produire la taxonomie verte tant attendue, qui découlera « des recommandations du [Conseil d’action en matière de finance durable] et d’organismes internationaux ainsi que de taxonomies précédemment établies à l’échelle internationale ». Dans un résumé d’une phrase tiré du document d’information publié le 9 octobre, le gouvernement indique ce qui suit : « Le but de la taxonomie canadienne serait d’accélérer le déploiement d’investissements en appui à la transition carboneutre canadienne en permettant aux investisseurs de mieux comprendre et communiquer quels investissements et activités clés favorisent l’atteinte d’une économie canadienne carboneutre ».
Toutefois, nous sommes encore loin de la taxonomie. Le gouvernement est en train d’engager un organisme indépendant pour l’élaborer, avec une échéance de 12 mois à compter du début du travail. Même dans ce cas, la taxonomie ne s’appliquerait qu’à « deux ou trois secteurs prioritaires ». Les secteurs prioritaires sont l’électricité, le transport, l’immobilier, l’agriculture et la foresterie, la fabrication et les industries extractives, y compris l’extraction et le traitement des ressources minières, et le gaz naturel. Entre-temps, les investisseurs canadiens continueront de se référer aux taxonomies d’autres territoires et d’élaborer des définitions et des cadres ponctuels.
Plus important encore, peut-être, le ministre des Finances a annoncé que le gouvernement avait l’intention de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour exiger que les « grandes sociétés privées constituées sous le régime fédéral » publient des renseignements financiers liés au climat. Il s’agit sans aucun doute d’un pas dans la bonne direction en ce qui a trait à la présentation obligatoire d’informations sur le climat, mais, encore une fois, de nombreuses inconnues subsistent. La substance des divulgations n’a pas encore été déterminée, tout comme la définition du mot « grande » pour les sociétés qui seraient touchées.
Les droits des Autochtones reçoivent plus d’attention
Les droits des Autochtones et la réconciliation, ainsi que les investissements des Autochtones, ont également été des sujets importants lors de nombreuses séances. Cela souligne la pertinence de ces enjeux critiques dans le contexte canadien. Lors d’un événement connexe axé sur la divulgation de l’information sur la durabilité, l’engagement du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité à l’égard de l’inclusion des Autochtones dans l’établissement des normes a été reconnu. Le Canada est reconnu comme un chef de file en matière de divulgation par rapport aux autres régions**. Lors d’un autre événement connexe, la discussion a porté sur la nécessité d’élaborer un cadre de financement durable pour les Autochtones qui tient compte des droits, des perspectives, des connaissances et des expériences des Autochtones ainsi que des résultats.
Un conférencier a parlé de l’occasion générationnelle de bien extraire les ressources minérales essentielles, en impliquant toutes les parties prenantes et les détenteurs de droits dans le processus, en tirant parti des progrès technologiques, en encourageant les allégements fiscaux et d’autres pratiques d’exploitation minière responsable. Il a été souligné que la formation des investisseurs dans ce domaine demeure un obstacle. Bref, des progrès sont réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire.
Les investisseurs sont encouragés à impliquer les décideurs politiques
L’engagement politique apparaît comme une priorité pour influencer le changement. David Russell, président de la Transition Pathway Initiative, l’a dit sans tergiverser : « Les changements climatiques sont une question de politique… nous devons en faire plus sur ce plan. »
L’engagement à l’égard des politiques consiste à discuter avec les gouvernements, les organismes de réglementation, les organismes de normalisation et d’autres organisations similaires ayant le pouvoir de modifier les règles du jeu et de les uniformiser à l’échelle d’un territoire. Il s’agit d’un outil crucial pour aider à surmonter les problèmes systémiques qui ne peuvent être réglés avec autant d’efficacité en s’engageant auprès des sociétés individuellement.
En règle générale, comme l’a souligné un panéliste à la conférence, les gestionnaires de placement ne participent pas de façon significative et à grande échelle aux discussions sur les politiques. La COP26 a été citée comme un tournant à cet égard et les investisseurs dans la salle ont été invités à accroître leur participation aux discussions sur les politiques relatives aux changements climatiques. Cela reflète notre propre expérience. Nous communiquons avec les décideurs depuis de nombreuses années et nous avons observé que, même si un plus grand nombre d’investisseurs consacrent des ressources au travail sur les politiques, dans l’ensemble, le secteur des placements n’est pas impliqué lorsque d’importantes décisions de politique sont prises. Pour souligner le fait qu’il s’agit d’un changement d’approche, une séance de la conférence a pris la forme d’un débat classique sur la question de savoir si les investisseurs devraient continuer d’accorder la priorité à l’engagement auprès des sociétés comme activité soutenant le changement, ou passer à l’engagement politique.
Mise en perspective du mouvement anti-ESG
L’équipe de NEI a également observé que le mouvement anti-ESG qui a fait les manchettes en Amérique du Nord au cours des dernières années, et plus précisément aux États-Unis, ne semblait pas poser autant de problèmes parmi les participants. Cela s’explique probablement par la nature mondiale de la conférence, qui réunissait un grand nombre de sociétés de placement d’Europe et d’Australasie. En examinant la situation sous un angle aussi large, il devient évident que les opposants aux facteurs ESG ont eu peu d’incidence sur l’avancement des perspectives d’investissement responsable à l’échelle mondiale.
L’année prochaine, la conférence se tiendra au Brésil. Nous sommes persuadés qu’entre-temps, les investisseurs feront tout ce qu’ils peuvent pour progresser encore plus à l’égard des défis importants comme la transition énergétique, les droits des travailleurs et le travail des enfants, la perte de milieux naturels, la conservation de l’eau, les droits des Autochtones, l’IA éthique, l’exploitation minière responsable et de nombreux autres secteurs présentant des risques et des occasions.
* Toutes les citations et tous les faits présentés dans cette section de l’article sont tirés du document d’information du gouvernement fédéral publié le 9 octobre : https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/nouvelles/2024/10/gouvernement-met-lavant-lignes-directrices-sur-linvestissement-durable-au-canada-afin-daccelerer-progres-vers-carboneutralite-dici-2050.html. Se reporter au Rapport sur la feuille de route de la taxonomie produit par le Conseil d’action en matière de finance durable à l’adresse : https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/programmes/politique-secteur-financier/finance-durable/conseil-daction-en-matiere-de-finance-durable/rapport-feuille-route-taxonomie.html.
** La vice-présidente et chef de l’investissement responsable de NEI, Adelaide Chiu, est membre du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité.