Notre vice-présidente et chef de l’investissement responsable, Adelaide Chiu, fait part de trois tendances de l’investissement responsable pour 2025.
Au cours de la dernière année, des termes comme « durabilité », « investissement responsable » et « facteurs ESG » ont quitté les gros titres de la presse spécialisée dans les placements. Malgré ce changement, les gestionnaires de placements continuent d’intégrer des considérations non financières dans leurs décisions, en visant une valeur durable à long terme et un impact dans le monde réel. Reste à savoir si cette tendance se maintiendra, compte tenu de l’influence potentielle de l’évolution du régime politique aux États-Unis et de l’accent continu mis sur l’investissement responsable en Europe.
Trois sujets sont susceptibles de figurer en tête des préoccupations des investisseurs responsables à mesure que l’année avance : l’approche imminente de normes, de publication d’informations et de règlements plus complets; les changements de politique potentiels en raison des élections fédérales; et une plus grande urgence entourant la gouvernance des applications d’intelligence artificielle.
Meilleure divulgation, décisions plus éclairées
Bien que l’on puisse lire de nombreux articles présentant des points de vue divergents sur des sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance, si nous prenons une minute de recul pour examiner la situation dans son ensemble, nous pouvons constater que nous avons vraiment fait beaucoup de chemin.
La capacité des investisseurs à évaluer la performance non financière des sociétés s’est considérablement améliorée. Nous avons de meilleures données. Les sociétés reconnaissent l’importance d’un plus large éventail de risques opérationnels. Les cadres mondiaux et régionaux de publication d’informations sont de plus en plus établis, et les organismes de réglementation y participent de plus en plus. Le risque systémique que constitue le changement climatique et son incidence potentielle sur les stratégies d’affaires se retrouvent dans les rapports financiers traditionnels.
Bref, les investisseurs ont accès à des informations utiles pour prendre des décisions, afin de mieux gérer les risques et de saisir les occasions de croissance durable à long terme des placements. L’élan en matière de normes, de réglementation et de publication d’informations devrait se poursuivre en 2025, particulièrement au Canada.
L’adoption de ces changements au Canada a été plus lente qu’en Europe. Toutefois, cela nous permet de tirer des leçons des pratiques exemplaires et des expériences des autres et de les intégrer dans nos normes et règlements à venir. Cela laisse également plus de temps aux parties prenantes pour créer ou adapter leurs processus internes afin de répondre aux nouvelles exigences. La tâche n’est pas mince, mais nous nous attendons à ce que le Canada règle les problèmes importants, comme continuer de mettre l’accent sur l’importance des enjeux pertinents pour les entreprises.
Voici trois indicateurs que nous surveillerons en 2025 :
- La réponse du secteur aux Normes canadiennes d’information sur la durabilité qui seront bientôt publiées, en particulier celle des Autorités canadiennes en valeurs mobilières.
- Les grandes institutions financières qui déclarent leurs risques liés au climat, comme l’exige le Bureau du surintendant des institutions financières.
- La clarté du gouvernement fédéral sur les risques climatiques pour les grandes entreprises constituées en vertu d’une loi fédérale.
Des bouleversements politiques sont-ils à prévoir au Canada?
Les élections fédérales approchent au Canada. Que cela se produise sous peu en raison d’un vote de défiance réussi (il y a déjà eu deux tentatives) ou plus tard en 2025, selon le calendrier, il ne fait aucun doute que les enjeux environnementaux et sociaux, comme la taxe carbone et la hausse des prix des logements, seront au cœur des préoccupations des chefs des partis et des électeurs. L’outil de suivi des sondages de CBC montre qu’à la fin de novembre 2024, le Parti conservateur avait une forte avance sur les libéraux en poste et qu’il aurait probablement obtenu un gouvernement majoritaire si les élections avaient eu lieu à ce moment-là. L’une des inégalités sociales les plus flagrantes sur laquelle doivent se pencher les décideurs canadiens aujourd’hui est le logement, qui est en partie lié à une période inflationniste qui a fait grimper le coût de la vie en général. Le logement est devenu moins abordable et les données de Statistique Canada montrent que le pourcentage de ménages vivant dans des logements inabordables en 2022 a grimpé pour atteindre 22 %, ce qui correspond aux niveaux d’avant la pandémie. Ce qui est peut-être plus inquiétant, c’est que le pourcentage des ménages se déclarant insatisfaits de l’abordabilité en 2022 est passé de 11,1 % en 2018 à 14,5 %, les locataires étant beaucoup plus inquiets que les propriétaires.
Un autre rapport de Statistique Canada montre que le fait d’être propriétaire d’un logement (par rapport à être locataire) a fortement contribué à la croissance de la valeur nette des ménages de 2019 à 2023, en particulier pour les jeunes familles. Au cours de cette période, la valeur nette médiane des jeunes familles qui étaient propriétaires de leur résidence principale a bondi de 220 % pour s’établir à 457 100 $, tandis que la valeur nette médiane des familles qui n’étaient pas propriétaires de leur résidence principale a augmenté de 65 % pour s’établir à 44 000 $. Le retard de certaines familles est accentué par le fait qu’elles ne sont pas propriétaires de leur résidence principale.
Lorsque les consommateurs sont sous une plus forte pression financière et plus insatisfaits de leur situation, la probabilité d’un changement de gouvernement augmente. Les répercussions sur la politique nationale sont importantes, et les changements de politique peuvent avoir une incidence sur les stratégies d’affaires à court et à long terme, influençant les décisions d’affectation du capital des entreprises. Cela pourrait à son tour offrir des possibilités d’investissement à certaines entreprises tout en mettant d’autres en péril.
Pression pour une surveillance plus étroite de l’intelligence artificielle
L’utilisation croissante des applications d’intelligence artificielle dans l’ensemble des secteurs font ressortir le besoin urgent d’une gouvernance des données et de contrôles éthiques robustes, ainsi que de considérations réglementaires. À mesure que les sociétés traitent plus de données sur les utilisateurs au nom de l’innovation et de l’efficacité, il sera de plus en plus compliqué d’établir un équilibre essentiel entre les avantages et les inconvénients.
Les engagements de NEI auprès des sociétés sur ces sujets difficiles augmentent en fréquence et en importance. Des conversations sur certains aspects des droits numériques, comme la protection des renseignements personnels, la sécurité des enfants en ligne et la publicité ciblée sont à notre ordre du jour depuis un certain temps. Mais l’essor rapide de l’IA a donné lieu à une nouvelle série de points de discussion. Par exemple, nous demandons aux sociétés comment elles intègrent les politiques d’éthique de l’IA dans leurs stratégies et leur modèle de gouvernance. Nous continuons également d’encourager un plus grand nombre de sociétés à effectuer des évaluations d’impact sur les droits de la personne.
Nous entrevoyons des difficultés pour les sociétés qui ont été très prisées par les investisseurs en raison de leur lien avec l’IA : la réglementation accrue pouvant donner lieu à des examens antitrust, les atteintes à la réputation en raison d’une utilisation irresponsable ou contraire à l’éthique de la technologie et les problèmes liés à la croissance sont maintenant des sujets dont le secteur des technologies est au fait. Ces défis méritent l’attention des investisseurs.